L’exercice de l’autoportrait, qui traverse l’ensemble du travail de Sana Jaafar, est ici réduit à sa dimension cellulaire, biologique : la méiose étant le processus de double division cellulaire aboutissant à la production de cellules sexuelles, ou gamètes pour la reproduction.
La représentation de ce processus, reproduction d’une imagerie médicale, elle-même traduction visuelle d’un phénomène invisible ayant lieu au plus profond de nos corps (par l’étude, la recherche, l’agrandissement, l’extraction d’information), via une série de huit tambours à broder, déplace et fige les aspects organique et évolutionnaire vers une suite d’objets, comme autant de photogrammes décortiquant le mouvement.
Ce qui pourrait être un pur autoportrait — puisque nos cellules portent en elles l’expression individuelle par excellence, l’ADN — devient anonyme, et vient questionner les notions d’identité, d’héritage, de mémoire.
Le travail d’introspection, que la psychologie décrit comme une activité mentale, l’exercice de regarder en soi, devient ici matériel, c’est à dire qu’il prend forme, au sens le plus littéral de la formule. La broderie opère ici un double mouvement : elle fixe le vivant, le pétrifie, c’est à dire qu’elle tend vers l’archive, et dans le même temps elle ne cesse jamais de signifier le processus, la lenteur du mouvement, sa fragilité, sa construction patiente et minutieuse par l’aiguille et le fil — deux outils qui, à leur tour, renvoient à la médecine et donc à la science.
Texte: Benoit Baudinat



